
Il y a des slogans qui accrochent l’oreille… et d’autres qui finissent par accrocher la conscience collective. « Kinshasa ezo bonga » appartient désormais à cette deuxième catégorie : répétée, martelée, affichée partout, elle est devenue une promesse publique autant qu’un test de crédibilité pour les autorités provinciales. Mais la promesse ne suffit plus. La ville, elle, continue de suffoquer sous ses déchets.

Kinshasa n’a jamais autant parlé d’embellissement que ces derniers mois : opérations musclées, annonces d’assainissement, conférences de presse bien rythmées. Le gouverneur Daniel Bumba s’est appliqué à brandir une vision volontariste de la capitale. Mais lorsque l’on descend du slogan à la rue, le contraste frappe : marchés débordants d’immondices, caniveaux bouchés, torrents d’eaux sales après chaque pluie, quartiers transformés en dépotoirs improvisés.

Le décalage entre communication et réalité saute aux yeux de tous. C’est précisément ce fossé qui a conduit au lancement de deux missions d’audit :
– le 22 novembre 2025, sur instruction de la Présidence,
– le 25 novembre 2025, à l’initiative du Vice-Premier ministre de l’Intérieur.
Deux dates rapprochées, deux regards indépendants, un même constat implicite : quelque chose ne tourne pas rond dans la gestion des fonds dédiés à l’assainissement. Le FONAK, censé être le moteur financier du nettoyage de Kinshasa, est désormais au centre de toutes les interrogations. Où va l’argent ? Pourquoi l’impact reste-t-il si invisible ? Comment expliquer une capitale qui, malgré des budgets annoncés, continue de vivre dans une insalubrité chronique ?

Le Centre d’enfouissement de Mpasa, pourtant essentiel, fonctionne encore au ralenti. Les communes manquent de moyens réguliers. Les équipes de collecte restent irrégulières. La chaîne entière de gestion des déchets avance comme une machine grippée… poussée à bout par une communication qui fait beaucoup plus de bruit que les camions bennes.
L’éditorialiste que je suis ne demande pas des miracles : seulement de la cohérence.
Le citoyen kinois n’a rien contre les slogans. Il aime l’optimisme, l’élan, les promesses de changement. Mais il attend désormais que la parole politique soit suivie d’un engagement mesurable. Le vrai défi n’est pas de dire que « Kinshasa ezo bonga ». Le vrai défi est de montrer enfin comment, quand et avec quels résultats.
Au fond, la question n’est plus : “Kinshasa ezo bonga ?”
La vraie question est : « Les autorités sont-elles prêtes à prouver, chiffres à l’appui, que la capitale avance réellement ? » Tant que les audits resteront des rapports oubliés dans les tiroirs, tant que l’opacité primera sur la redevabilité, tant que l’action sera plus photographiée que planifiée, la ville restera prisonnière de ses déchets… et de ses illusions. Kinshasa ne demande pas de discours. Elle demande de l’air.
Sebrown NSIMBA LUAMBA/LIGHT ECO RDC